Pour ceux qui aiment les mathématiques (et même pour les autres), nous parlons ici de ce qui se passe dans le lac et dans le bioréacteur d’un point de vue mathématique. Tout d’abord, rappelons-nous notre objectif : nous souhaitons restaurer au mieux et rapidement la qualité du lac, mais sans vider son volume d’eau vers une centrale d’épuration. En effet, afin de ne pas mettre en péril le milieu naturel, son volume doit rester constant au cours du traitement. Nous sommes confrontés à un problème concret : dépolluer le plus vite possible en minimisant le temps utilisé. Mais il y a un compromis à trouver entre la vitesse de traitement de l’eau et sa qualité (car plus l’eau est traitée rapidement, moins la qualité de son traitement est bonne). Ainsi, en agissant sur la position de la pompe et sur son débit, nous cherchons à ramener la concentration en polluant en dessous d’un seuil acceptable en un temps minimum. Voici le principe du traitement :
Des bactéries se développent dans le bioréacteur en consommant la substance indésirable (ici, la pollution), qui est ainsi convertie en biomasse. L’eau ainsi traitée est ré-injectée dans le lac après qu’on ait séparée la biomasse (des bactéries introduites dans le lac risqueraient se développer au détriment de la faune et de la flore du lac). Nous notons (resp.
) la concentration en subtrat dans le bioréacteur (resp. dans le lac) à l’instant t, et
la concentration en biomasse dans le bioréacteur à l’instant t. Le lac a un volume
et le bioréacteur a un volume
. La concentration en substrat à l’entrée du lac est égale à la concentration en sortie du bioréacteur, i.e.
. De même, la concentration en substrat en sortie du lac est égale à la concentration en entrée du bioréacteur, i.e. . Le débit est identique partout dans ce système, et est noté Q. L’eau polluée est aspirée du lac, et arrive dans le bioréacteur. Dans ce dernier, on trouve de la biomasse qui va réagir avec le substrat (ici, le polluant). L’eau ainsi traitée ressort du bioréacteur et passe dans un décanteur, où la biomasse est récupérée (puisque nous ne voulons pas de biomasse dans le lac). L’eau ainsi traitée retourne dans le lac.
Ainsi, en pratique, on amène sur place le procédé de traitement (i.e. le bioréacteur) et les pompes.

Le bioréacteur et les pompes sont installés sur un véhicule dédié à la restauration de bassins et lacs pollués
Crédits : http://www.elessia.com
Dans un premier temps, nous allons décrire l’hydrodynamique du lac grâce aux équations de Navier-Stokes.
Celles qui nous intéressent pour décrire le lac sont les suivantes :
Le terme U représente le vecteur vitesse du fluide (ici, de l’eau), p est la pression, et est une condition aux limites sur le bord qui dépend du problème : elle est nulle si le bord considéré n’est pas une pompe, sinon, elle dépend du débit et de la normale sortante. Pour modéliser la concentration en polluant selon les mouvements de l’eau, nous utilisons l’équation d’advection-diffusion :
. Dans cette équation,
représente la concentration en polluant dans le lac, et
est la diffusivité du polluant. Cette équation représente la variation de la concentration en polluant dans le temps, et fait intervenir deux termes : un représentant le mouvement, le transport (
) et un autre faisant intervenir la diffusion (
). Si le premier terme est important, cela indique que le polluant va se déplacer (grâce au mouvement du liquide). Si le second terme est plus important, alors le polluant va se diffuser plus qu’il ne va se déplacer.
Décrivons maintenant le fonctionnement du bioréacteur : c’est un système dans lequel on cultive des micro-organismes pour produire de la biomasse. Les composants sont le substrat (le flux d’entrée, ici le polluant), les micro-organismes se développant en consommant le substrat, la cuve, des catalyseurs (enzymes nécessaires pour faire démarrer la bio-réaction) ainsi que les produits des réactions biochimiques.

Les bioréacteurs industriels de dépollution ne sont en général pas conçus pour être mobiles.
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Le bioréacteur que nous considérons fonctionne en chémostat (ou bioréacteur dit continu), c’est à dire que le débit entrant dans le bioréacteur est égal au débit sortant. Pour décrire ce qu’il se passe dans le bioréacteur, nous allons utiliser le modèle mathématique du chémostat (le mot chémostat désigne un dispositif de culture en continu, inventé conjointement par Monod, Novick et Szilard dans les années cinquante).
Le schéma conceptuel du chémostat est le suivant.
Le modèle mathématique comprend deux équations : une concernant la concentration en subtrat , et une concernant la concentration en biomasse
. Regardons ce qu’il se passe sur un intervalle de temps
. Pour le substrat, sa variation est dûe à la consommation par la biomasse (qui engendre une diminution), au flux entrant de débit Q à la concentration
(qui engendre une augmentation) ainsi qu’au flux sortant au même débit Q à la concentration
(qui engendre une diminution). Ce qui nous donne :
et lorsque
tend vers 0 :
avec Y étant le rendement du substrat en biomasse. Pour simplifier, nous prendrons un rendement Y = 1 (ce qui est toujours possible quitte à changer l’unité dans laquelle la concentration en biomasse est mesurée). La fonction
représente la vitesse de croissance spécifique des micro-organismes. Il en existe plusieurs, telle que celle de Monod
qui est très souvent employée:

Courbe de vitesse de croissance spécifique en fonction de la concentration en substrat, selon la loi de Monod
Pour la biomasse, sa variation est dûe à l’apport par réaction biochimique du substrat (qui engendre une croissance de la population bactérienne) et au flux sortant au débit Q (qui engendre une diminution). Ce qui nous donne : et lorsque
tend vers 0 :
. Ainsi, les équations qui régissent les concentrations en substrat et biomasse du bioréacteur s’écrivent simplement:
Une fois le bioréacteur connecté au lac, la concentration en polluant en entrée du bioréacteur est égale à celle du lac au lieu de pompage, et la concentration en sortie du bioréacteur
impose une concentration au point de retour dans le lac. Ainsi, nous simulons le couplage des systèmes d’équations (E_lac) et (E_bioréacteur).
Remarque: Le système (E_bioréacteur) peut en fait se simplifier par l’approximation dite « lent-rapide » en utilisant le fait que le volume du réacteur est en général beaucoup plus petit que celui du lac, si bien que la concentration en entrée du réacteur évoluent lentement comparativement à la dynamique du bioréacteur (vous trouverez les détails ici).